Projet A-PIED : Aider les PIEtons à se Déplacer en milieu urbain, Rapport final de convention
Parce qu'ils n'ont aucune protection, les piétons font partie des usagers de la route les plus vulnérables aux accidents mortels. Si les piétons sont des usagers vulnérables, les piétons âgés le sont doublement en raison des déclins perceptifs, cognitifs et physiques qui les rendent plus disposés à être impliqués dans un accident (par des temps réaction ralentis, des stratégies peut-être moins flexibles, ou encore des décisions parfois dangereuses). Les accidents leur sont également plus fatals, avec une probabilité d'en réchapper moindre. Ces accidents sont aussi liés à leur mode de déplacement préférentiel qui, avec l'âge, est le plus souvent à pied. La promotion de la marche à pied dans nos villes, et à tous les âges de la vie, est aujourd'hui d'actualité pour répondre notamment aux enjeux soulevés par le changement climatique, la pollution, la mobilité d'une population vieillissante, et plus généralement la santé (ex. lutte contre l'obésité), la marche étant conçue comme une solution attrayante et complémentaire au déplacement motorisé. Toutefois, la sécurité des piétons en France est loin d'être totalement garantie. Par exemple en 2012, 489 personnes sont décédées dans un accident piéton, et la plupart étaient âgés de plus de 75 ans (ONISR, 2013). L'amélioration de la sécurité des cheminements piétons peut s'envisager par des modifications d'infrastructure. Cependant, ces dernières restent très couteuses et longues à mettre en place. Un moyen moins couteux et plus rapide consisterait à fournir aux usagers piétons une aide technique efficace et adaptée. Dans ce contexte, le projet A-PIED a deux objectifs principaux : (i) analyser les besoins des piétons âgés pour des interfaces multisensorielles d'aide à la traversée de rue et à l'orientation en milieu urbain, ainsi que l'acceptabilité de ces interfaces ; (ii) tester une solution technologique innovante et originale, basée sur une interface vibrotactile portée sur le poignet, pour aider le piéton à émettre des décisions sécuritaires de traversée de rue et à mieux s'orienter en ville, notamment dans des zones d'échanges et d'interconnexion. Le projet A-PIED ne vise pas au développement de cette technologie, qui est déjà disponible au CEA. L'idée est de l'adapter aux besoins du piéton dans le contexte de la traversée de rue et de la navigation en partant de l'hypothèse que les informations vibrotactiles pourraient avoir un apport en termes de réduction du temps de réaction, d'amélioration de la sécurité et de focalisation de l'attention sur des éléments décisifs pour la réalisation de la tâche principale de marche à pied. A notre connaissance, aucun dispositif ne répond aujourd'hui à ces enjeux. Ceci est l'originalité principale du projet A-PIED. La première phase du projet a visé à recenser les habitudes d'utilisation des aides à l'orientation et à la navigation avec l'âge. Les résultats de plusieurs enquêtes (un workshop auprès de 7 personnes âgées et deux questionnaires en ligne auprès de 359 individus au total) révèlent que Internet, les GPS, les cartes et les plans, la signalétique et les repères, et enfin l'aide humaine sont les principales ressources externes utilisées par les individus pour s'orienter dans une ville. On note peu de variations avec l'âge, si ce n'est une légère tendance à moins y recourir, notamment pour ce qui concerne les aides à caractère technologique (ex. Internet et GPS). Ce résultat pourrait néanmoins provenir d'un effet de cohorte (les plus âgés d'aujourd'hui utilisent peu les technologies de l'information et de la communication, ce qui ne sera vraisemblablement plus le cas d'ici une vingtaine d'années). Trois études ont ensuite été réalisées afin d'identifier le contenu et la forme des stimulations vibrotactiles à présenter aux futurs utilisateurs. Ces études menées lors de la première année du projet ont permis d'adapter un dispositif d'aide existant aux besoins des piétons âgés en particulier. Ce dispositif est un bracelet vibrotactile qui a été développé par le CEA/LIST dans le cadre d'autres projets sur la navigation piétonne. Ce bracelet permet de délivrer des messages à l'utilisateur sous la forme de motifs vibratoires indiquant par exemple, une alerte (ex. : vibration forte tout autour du poignet) ou une direction à prendre (ex. : message qui repose sur l'activation de vibreurs se situant à droite ou à gauche du poignet). Ces messages sont conçus en variant un certain nombre de paramètres physiques des vibrations (ex. : rythme, amplitude, durée, localisation, répétition). La deuxième année du projet a consisté en une phase d'évaluation de l'efficacité, de l'utilisabilité et de l'acceptabilité du bracelet vibrotactile. Deux études ont été menées auprès de participants jeunes et plus âgés. La première étude a testé le bracelet dans une tâche de traversée de rue sur simulateur. Un message vibrotactile était transmis au poignet du participant lorsque la situation était dangereuse et ne lui permettait pas de traverser en toute sécurité. Les résultats de cette étude menée auprès de 57 participants jeunes et plus âgés montrent un réel bénéfice du bracelet, en termes de sécurité des décisions de traversée de rue, avec une diminution de moitié du pourcentage de décisions dangereuses (décisions qui ont mené à une collision avec un véhicule à l'approche). Le bracelet a diminué le risque de collisions dans tous les groupes d'âge, mais avec un bénéfice qui semble plus fort chez les piétons les plus à risque, à savoir les femmes très âgées (> 70 ans). Si le bracelet réduit de moitié les décisions dangereuses, il ne les réduit totalement pas à zéro, car un message sur deux est en moyenne non perçu ou « défié » (i.e. non suivi), quel que soit l'âge des participants. Des études futures devront être menées afin de déterminer pourquoi et dans quelles conditions l'utilisateur émet un avis contraire au message vibrotactile (il ne perçoit pas ou défit la technologie ?). Finalement, les données subjectives recueillies auprès des participants montrent des avis globalement très positifs en termes de facilité et d'utilité perçues. Alors que l'intention comportementale est nulle chez les participants jeunes (0%), 40% des participants âgés et très âgés déclarent vouloir utiliser à l'avenir ce type de dispositif d'aide à la traversée de rue. A noter que les participants âgés et très âgés s'avouent par contre être anxieux envers les technologies. Une dernière étude visait cette fois-ci à tester le bracelet dans une tâche de navigation piétonne sur simulateur, le bracelet guidant l'individu à s'orienter correctement dans une ville virtuelle (ex. le bracelet vibre à droite du poignet pour signifier au piéton de tourner à droite au prochain croisement). Les résultats de cette étude menée auprès de 58 piétons jeunes et âgés montrent un réel bénéfice du bracelet en termes d'orientations correctement prises (gauche/droite) dans des intersections simples (carrefours en T) et de temps de parcours plus courts avec le bracelet plutôt qu'avec une carte en version papier. Ces bénéfices s'observent chez tous les participants qui le portent, mais sont encore plus forts chez les participants les plus âgés (> 70 ans). En revanche, le bracelet ne se révèle pas efficace dans le cas des carrefours complexes (à plus de 5 alternatives de directions), les participants montrant des erreurs de direction importantes (confusions dans la direction à prendre une fois le rond-point engagé, ex. tourner à la troisième rue à droite). Globalement, les données comportementales montrent que si le bracelet réduit les difficultés de navigation, il ne les réduit pas à zéro, car quelques messages ont parfois été non / mal perçus ou défiés, même dans des intersections simples (5%), les chiffres étant plus importants dans le cas des intersections complexes (environ 20% des messages non/mal perçus ou défiés). Le bracelet s'avère en effet efficace lorsque le message vibrotactile est compris et non défié. Des études ultérieures devront approfondir ces constats pour mieux comprendre dans quelles conditions et pourquoi certains messages vibrotactiles sont non/mal perçus ou défiés. Finalement, les avis subjectifs recueillis auprès des participants directement montrent des opinions globalement très positives. En termes d'utilisabilité et d'utilité perçues, le bracelet d'aide à la navigation est jugé utile et facile à utiliser quel que soit l'âge des participants. Mais alors que les très âgés rapportent un peu plus d'anxiété envers les technologies que les âgés et les jeunes, tous ont déclaré éprouver du plaisir à utiliser le bracelet. Ils sont également plus nombreux (75%) à déclarer avoir l'intention d'utiliser à l'avenir ce genre de bracelet d'aide à la navigation piétonne. L'ensemble des travaux menés dans le cadre du projet A-PIED témoignent de l'utilité de poursuivre les études relatives aux déplacements piétons et aux aides technologiques à la mobilité piétonne. Restent encore bien des travaux de recherche à mener et des initiatives gouvernementales et locales à insuffler pour promouvoir la marche à pied comme un moyen sûr de se déplacer en ville. Plusieurs conclusions et perspectives de recherche sont proposées à la fin de ce rapport.
- Record URL:
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Authors:
- ANASTASSOVA, Margarita
- DOMMES, Aurélie
- CHEVALIER, Aline
- Publication Date: 2015
Language
- French
Media Info
- Media Type: Digital/other
- Pagination: 94p.
Subject/Index Terms
- TRT Terms: Aged; Pedestrian movement; Pedestrians
- ITRD Terms: 1746: Personne agee; 1733: Pieton; 1667: Traversee de la rue
- Subject Areas: Pedestrians and Bicyclists;
Filing Info
- Accession Number: 01688871
- Record Type: Publication
- Source Agency: Institut Francais des Sciences et Technologies des Transports, de l'Amenagement et des Reseaux (IFSTTAR)
- Contract Numbers: A-PIED/Aider les PIEtons à se Déplacer en milieu
- Files: ITRD
- Created Date: Dec 18 2018 10:17AM